Réponse à un joyeux écologiste
Bonjour camarade Clairon
D’abord, merci pour ton commentaire pro Eva Joly. Je l’aurais aimé plus court, et j’aurais aimé surtout qu’il vienne de toi, de ta réflexion personnelle et de tes tripes plutôt que de la personne du camarade Ludo B. Aussi, à travers toi, c’est à Ludo que je répondrai, en te demandant de bien vouloir lui transmettre mes arguments.
Imaginons un instant que le jeune parti EELV, au lieu de s’allier à un PS qui ne vit plus que sur ses acquis anciens, donc sur des vérités périmées, donc sur des mensonges qui ne le grandissent pas, était entré dans le jeune Front de Gauche, comme espéré par nombre de ses militants, dont moi-même. Avoue que cela aurait eu de la gueule, et que nous n’en serions pas à chinoiser aujourd’hui sur des “points de détails“. Hélas, Cohn-Bendit veillait au grain, et ce libéral convaincu manœuvra en direction de François Hollande, un bourgeois comme lui. Car cette alliance, à ses yeux, présentait l’avantage d’offrir aux écolos un nombre non négligeable de députés potentiels dans la future assemblée nationale. Cécile Duflot a donc signé un accord avec les socialistes plutôt qu’avec Mélenchon. Parce que Mélenchon, crédité à l’époque de 5% d’intention de vote, ne présentait aucun d’intérêt dans les calculs à court terme de ces deux écologistes d’abord intéressés par le pouvoir.
Or, le Français ne sont pas fous. Ils ont vu clair et la situation s’est inversée : Eva Joly 2% aujourd’hui, Mélenchon 15%. Rien d’étonnant à cela : nombre de socialistes et de verts se rallient aujourd’hui à lui. C’est que son virage raisonné vers l’écologie politique n’est pas le fruit du hasard, mais la conséquence du passage de Martine Billard (coprésidente du PG au même titre que lui) du parti des Verts au Parti de Gauche, sur lequel son influence fut considérable.
Dans ces conditions, crois-tu que les cinquante, soixante ou soixante-dix sièges promis à Duflot par Hollande ne risquent pas de passer dans la poche de Mélenchon, qui va peser de tout son poids (grandissant au fil des jours et des meetings) dans les tractations de l’entre-deux-tours ?
Voter Eva Joly est donc parfaitement inutile, voire contreproductif. Même si cette candidate, courageuse et fort sympathique, défend bec et ongles l’écologie à laquelle elle croit — cela au grand dam de ses cadres d’EELV et de Cohn-Bendit, lequel voit partir en fumée ses illusions et ses pauvres projets.
Sitôt tournée la page des élections, nous allons voir EELV voler en éclats, et rien ne restera de ce partis qui a fait le mauvais choix. Mais là n’est pas l’argument principal en faveur du Front de Gauche.
L’argument que je placerai en tête est le danger pesant actuellement sur le monde. Danger qui provient, en plus des crises écologique, économique, sociale et sociétale, de la crise que traverse le capitalisme. C’est à dire de ses derniers soubresauts avant que le tombeau ne le ramène là d’où jamais il n’aurait dû sortir : dans l’antre de l’égoïsme et du mépris de l’homme, dans la caverne de Néanderthal. Et ses derniers soubresauts, nous en avons déjà connu deux manifestations en 1914 et 1939 : la guerre. Quelle autre solution capitalisme et finance peuvent-ils en effet espérer s’ils entendent perdurer, eux qui ne sont plus capable de gérer la société moderne, ni de s’occuper de leurs propres intérêts ? Eux qui, plutôt que de combattre la faim, les inégalités et la misère, préfèrent aligner les divisions de l’empire américain le long de tous les pipe-lines et gazoducs du monde ?
Une guerre ? Les motifs ne manquent pas, il s’en crée tous les jours.
Une guerre ? Les gens seront occupés, les affaires marcheront à fond, plus de problème de chômage, ni de misère, ni de démographie, et ensuite on reconstruira. Le problème, c’est qu’il risque de ne rien rester de ce qui jusqu’à présent a rendu la vie acceptable, et parfois même joyeuse… Pour plus amples détails, lire les deux essais dont je suis l’auteur, et que je présente sur ce blog.
Ainsi, ce ne seront donc pas les deux petits pour cent d’EELV que nous pourrons opposer aux menées mortifères des généraux américains, sud coréens, russes, chinois et autres, alliés en sous-main aux hordes du Front National, des néonazis de tout poil et des mafias qui nous gangrènent. Ce seront la conviction et la détermination des peuples d’Europe, à commencer par le peuple français, le plus à même actuellement de transformer l’internationale des banquiers en une autre internationale, celle dont les accents résonnent à chaque meeting de J-L M.
Je te disais, camarade écolo et festif, que j’appréciais Eva Joly en tant que femme. Et c’est vrai. Mais je l’aurais aimée d’autant plus, en tant que candidate, si elle avait osé rompre avec les faux amis qui la mènent au fossé. Si, claquant la porte à Cohn-Bendit et Duflot, elle s’était publiquement tournée vers J-L M, vers Martine Billard et leur avait dit : j’arrive !
En plus, les Verts auraient pu non seulement perdurer, mais grandir.
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