Gueule de bois, âme en berne, mais nous nous redressons
Oui, après les formidables meetings du Front de Gauche, entendre Marine Le Pen chanter victoire et pérorer, voir le visage de Marianne se déformer sous les ricanements d'une demi cinglée, sentir les mots grimacer de plus belle et nous offrir des vessies en lieu et place des lumières que nous attendions, ça fait affreusement mal. Et j’en reviens à un de mes dadas, auquel nombre d’entre vous devraient acquiescer : à la fin de la dernière guerre, après qu’une grande partie de la France s’était accommodée de la peste nazie, nous n’avons pas osé, ou pas su, ou pas pu entreprendre le grand nettoyage de printemps. Nous avons fusillé quelques salopards, certes, tondu quelques femmes sans fierté, mais les germes du mal sont demeurés dans les esprits, qui de nouveau répandent leurs miasmes et leur haleine empuantie sur notre France malade. Sur cette nation, autrefois belle et généreuse, qui préfère aujourd’hui les arrangements douteux de la pseudo modernité aux rêves insensés de la jeunesse, le confort quotidien au combat éternel contre l’obéissance et le servage — alors repli sur sa précieuse personne, défense des “valeurs éternelles,“ refus de toute évolution, et sur-place en finale, quand ce n’est pas régression.
Et puis, en 2002, appel à voter Chirac ! Par crainte du père fouettard, le peuple de gauche glissant dans l’urne d’une République instituée par lui-même le bulletin de la honte !
La fille a succédé au père, nous allons une fois de plus devoir nous rallier, le temps d’une mascarade qui en engendrera une autre, au panache douteux d’un nouveau rassembleur, d’un soi-disant sauveur trouvé in-extremis : François Hollande…
Avant les résultats, plutôt que de laisser au vestiaire les convictions qui m’ont grandi au fil des trois dernières année, je me jurais de voter blanc. Mais depuis que cet épouvantail de Le Pen (regardez-là, ne lui manque que le galure SS, celui que le mépris de l’homme et de son travail ont paré de la Totenkopf, de la tête de mort,) que cet épouvantail postillonnant, donc, pérore sur les plateaux d’une télévision lui léchant les bottes, je change de stratégie : mieux vaut Hollande que Sakozy, car laisser passer Sarkozy nous amène en droite ligne à Le Pen, c’est-à-dire à un avatar de Pétain, à une seconde révolution nationale, la première nous ayant menés là où nul ne veut plus aller.
Hollande vaut à peine mieux que Sarkozy, d'accord. Mais lorsque la finance lui tombera dessus, il aura à sa droite, à sa gauche, au-dessus, au-dessous, partout autour de lui, si nous en décidons ainsi, des combattants qui le contraindront à demeurer en selle.
Oublions nos chapelles, oublions nos querelles ridicules, bâtissons un front de gauche ouvert à touts les énergies et toutes les générosités.